jeudi 27 mars 2008

Authenticité

En vérifiant le référencement de mon site, j'ai tapé zen et montpellier, et suis tombé sur un titre qui décrit le dojo zen de mon "oncle" Kosen, rue Bourrely à Chaptal, comme le "seul dojo zen authentique" de Montpellier. Il est vrai que mon autre "oncle", Yuno Who, a lui aussi, récemment, ouvert un groupe de pratique certifié AZI, à Figuerolles.

Si je les appelle "mes oncles", soit dit entre parenthèses, c'est qu'ils ont reçu la transmission de Niwa Zenji, qui lui même l'avait donnée à maître Nishijima dont je l'ai reçue. La tradition zen voulant que l'on tienne le maître transmetteur comme son ancêtre direct, Rempo Niwa serait donc ainsi mon "grand-père". Mais je sais que Kosen renie cette transmission, ne lui accordant qu'un rôle de relais pour Deshimaru. Je ne sais ce qu'en prétend Yuno Who, ce qui est sûr, c'est que ce n'est pas lui en personne qui dirige son groupe de Montpellier.

Si je voulais entrer dans cette logique perverse, je devrais moi aussi renchérir sur l'"authenticité" et affirmer que moi seul, évidemment, suis un maître zen authentique à Montpellier, ayant reçu la transmission face à face, de maître zen à maître zen, dans une transmission authentique de personnes se connaissant personnellement.

A quoi bon?

Ceux et celles qui recherchent quelqu'un pour assumer la responsabilité à leur place, quelqu'un qui pourra faire le parcours à leur place, quelqu'un qui, d'un coup de baguette magique, les transformera en quelque chose d'autre que ce qu'ils sont et qui ne les satisfait pas, bref, ceux et celles qui cherchent un "maître" dans le rapport de maître à esclave, ne venez pas me faire perdre mon temps.

Je n'accepterai que des apprentis pour qui je n'essaierai d'être qu'un maître d'apprentissage. Toute autre solution me fatiguerait.

Mxl

dimanche 23 mars 2008

Bodhisattva vs bhikkhu

Ce matin, j'entendais l'excellent Dominique Trottignon, directeur de l'Université Bouddhique Européenne, faire la distinction entre la voie du bhikkhu et celle du bodhisattva, en disant que le premier s'attelait à reproduire la vie du Bouddha après son éveil et, pour le second, avant son éveil. Et donc que le bhikkhu s'attachait à éviter tout ce qui pourrait entraver son éveil, alors que le bodhisattva s'attachait à recréer tout ce qui pourrait le favoriser.

Certes, une telle vision est schématique, et je serais surpris que D. Trottignon pense réellement différemment de moi, mais il me semble bien que les deux soient nécessaires. Le Bouddha dit (et c'est vrai) qu'il a progressé seul sur sa voie. Mais il a eu une vie civile, avant, voire des vies antérieures qu'il mentionne, et au cours de cette vie antérieure à son éveil, il a suivi les enseignements de plusieurs maîtres avant de s'en détacher. Mais il est évident que ces enseignements lui ont servi, fut-ce a contrario.

Nous progressons tous seuls. Personne ne peut faire le trajet à notre place. Personne ne peut nous enseigner quoi que ce soit. La plupart des gens sont de toute façon sourds à tout conseil. J'ai choisi pour maître (entendez "enseignant") un vieux monsieur qui habite à des milliers de kilomètres de chez moi. Il est évident que son enseignement risquerait d'être assez succint en ce qui a trait aux choses quotidiennes. Mais j'ai résolu de tendre tous mes efforts afin que toutes les personnes et toutes les choses que je rencontre me soient un maître.

Lorsque j'ai rédigé la biographie de Scott Ross, un de ses anciens élèves m'a dit: "C'était un très mauvais maître, mais moi, j'étais un excellent élève". En fait, il vaut mieux être un bon élève, même avec un mauvais maître, que le contraire. Certes, un bon maître et un bon élève, c'est idéal. Mais même avec un bon maître, une absence (physique ou autre) pourra entraîner un manque.

Dans les métiers traditionnels, les maîtres d'apprentissage enseignent par l'exemple à leurs apprentis. Mais dans tout métier, il y a des techniques qui servent souvent, et d'autres qui servent rarement. L'apprenti apprendra celles qui servent souvent, et risquera de ne pas connaître les plus rares. S'il n'a pas développé la capacité d'extrapoler, de "réinventer", son bagage technique s'appauvrira et il ne transmettra à son tour qu'un métier appauvri. C'est ainsi que, souvent, les avancées techniques sont le fait de réinventions, de pratiquants imaginatifs qui savent réinventer, parfois à partir d'un vague souvenir, les techniques qui leur sont nécessaires.

Cette forme de l'apprentissage est à méditer. Seul le pratiquant peut apprendre. Un enseignant ne peut que lui mettre ce qu'il sait à disposition, et à lui d'en faire ce qu'il voudra, ou pourra.

lundi 17 mars 2008

Mal-être

"Ah! Comme la neige a neigé
Ma vitre est un jardin de givre
Ah!Comme la neige a neigé
Mais qu'est-ce que le spasme de vivre
A la douleur que j'ai, que j'ai"

Je repensais à ce poème d'Emile Nelligan, un poète québécois contemporain de Raimbaud, et qui finit enfermé à l'asile psychiatrique. Pour lui, le "spasme de vivre" n'est rien, comparé à la douleur qui le travaille intérieurement. Tous nous avons connu des moments semblables, à un moment ou l'autre. Certes, tous nous ne finissons pas à l'asile, sachant cependant que la folie est une "solution", la seule que puisse opposer la psyché à une situation apparemment sans issue.

Je lisais aussi l'autre jour, lors d'un concert auquel j'ai assisté, un texte de Paul (Saul) de Tarse, l'inventeur du Christianisme. Il y dit de ne pas regarder ce qui se passe ici-bas, mais d'avoir le regard tourné vers le ciel. Ce qui est pour moi l'exemple type de la fuite en avant, qui est l'autre option, celle que fournissent les religions monothéistes.

Alors qu'il "suffit" de transformer ce qui nous paraît si épouvantable, l'absence d'existence propre de notre "moi", en avantage. Ce trou, ce manque que nous tentons si vaillamment de combler (voir mon message précédent), tâche impossible s'il en fut, pourquoi n'apprendrions-nous pas à le voir comme une possibilité?

En effet, comme c'est le vide dans les vases qui nous permet de mettre des choses dedans (nous serions bien embêtés si nos verres et nos bouteilles étaient pleins...) ce manque, il faut le voir comme ce qui nous permet d'interagir avec le monde, au lieu que d'une limitation à combler à tout prix.

dimanche 9 mars 2008

4 Nobles Vérités

On a l'habitude de traduire les Quatre Nobles Vérités selon le schéma suivant: "Noble Vérité de la Souffrance, Noble Vérité du Désir, Noble Vérité de la Cessation et Noble Vérité de l'Octuple Sentier". Ou bien, "Il y a la Souffrance, celle-ci est causée par le Désir; on peut mettre fin à la Souffrance en mettant fin au Désir; on y arrive grace au Noble Octuple Sentier".

Maître Nishijima trouve que cette présentation est trop pessimiste, et j'ai eu l'autre jour encore une occasion de le vérifier. Un de mes correspondants italiens, un vieux monsieur, écrivait:
"si même après toute cette pratique, il ne reste plus qu'à se rendre compte que l'Eveil, qu'ingénument je voyais, moi, comme une explosion de feux d'artifice qui te change d'un seul coup, n'est rien d'autre qu'une prise de conscience de la misérable, douloureuse, banale et vile réalité, et s'adapter pour la vivre dans une simple quoique non facile, ataraxie; où est passée la charge exaltante que j'avais vue dans le Dharma et qui m'avait incitée à le suivre?"

Ce monsieur avait donc une vision idyllique et idéaliste de l'Eveil, qui lui aurait permis de s'abstraire de ce qu'il voit la vie comme une punition.

Or, Nishijima insiste pour traduire comme suit les termes sanscrits de la formulation: Dhukkha Satya, la vérité de l'insatisfaction, qui est idéalisme. Samudaya Satya, la vérité de l'accumulation, qui est matérialisme. Nirodha Satya, la vérité de la cessation, qui est action, et Marga Satya, la vérité de la Voie, qui est réalité.

Vous remarquerez "accumulation" et non pas "désir". Pourquoi donc? Le désir, c'est la vie, et si le Bouddha avait voulu que nous cessions de vivre, il nous aurait recommandé de nous suicider, et l'aurait fait lui-même et on n'en parlerait plus. Non, il nous propose une façon de vivre qui nous permet d'éviter d'être malheureux. Mais qu'est-ce qui nous rend malheureux? Le schisme profond qu'il y a entre notre idéal, qui n'est que des connexions synaptiques dans notre cerveau, et la réalité sensible qui nous déplait tant. Ce n'est pas tant que nous "désirons" des choses: c'est que nous les accumulons. Meubles, objets, collections, argent, biens fonciers, immobiliers, terres, gloire, réputation, célébrité (très à la mode ces temps-ci), pouvoir, tout est prétexte à accumulation, comme si, en accumulant une ou plusieurs de ces choses, on assurait davantage son existence.

En déménageant, l'autre jour, j'ai dû me rendre compte que, ayant habité presque vingt ans dans le même appartement, j'avais accumulé (j'ai une grande réticence à jeter -- oh, ça pourra servir...) des quantités phénoménales de trucs inutiles, en particulier de la paperasse, mais pas seulement.

Lâcher prise, c'est aussi lâcher prise sur ces choses. Ce n'est pas que toutes ces choses soient en elles mêmes inutiles. Mais bon, on peut jeter.

Mxl