C'est une notion qu'on peut facilement oublier, en particulier en cet âge du virtuel tous azimuts, mais "l'essai du titre à la pierre de touche est un procédé destiné à vérifier le titre d'un objet en alliage ou en métal précieux en orfèvrerie ou monnayage." Connu depuis l'Antiquité, l'essai consiste à frotter la pièce à vérifier sur une pierre dure (par exemple du jaspe noir) et à comparer les réactions de l'acide sur ce résultat et sur une marque produite par un métal de référence.
La pierre de touche qui permet de repérer si ce qu'on vous propose est ou non bouddha-dharma, c'est anicca, dukkha et anatta. Anicca (anytia en sanscrit) est le terme pâli (la langue dans laquelle a été réalisé le Canon Pâli, référence absolue du Bouddhisme Théravada). Le A- est privatif, comme dans a-phone, et il s'agit de l'impermanence, aussi appelée entropie, qui dit qu'il est inutile de s'attacher à quoi que ce soit, parce que les choses se détériorent ou se brisent. Les sentiments n'y échappent pas. Les relations humaines changent, sujettes qu'elles sont aux circonstances. Je connais une chanson qui dit que nous ne sommes que poussière dans le vent (https://www.youtube.com/watch?v=tH2w6Oxx0kQ). Elle dit: "Rien ne dure éternellement que la terre et le ciel", mais même cela n'est pas vrai. La terre et le ciel ne dureront pas éternellement; juste plus longtemps que nous.
Dukkha (duḥkha en sanscrit), est l'insatisfaisance. On le traduit souvent pas "souffrance" ce qui est aussi incorrect. Le mot est au départ un terme technique de charronnerie qui fait référence à l'ajustement d'une roue sur son moyeu. Une roue qui grince à cause d'un point dur, ou d'une détérioration de son ajustement (ou, de nos jours, de son roulement à billes) est une situation insatisfaisante. On en souffre, ne fut-ce qu'à cause du grincement, mais il s'agit surtout d'une situation insatisfaisante. Bref. On dit qu'il y en a trois (Troyes-en Champagne): physique, morale et existentielle. Le Bouddha mentionne fort judicieusement que nous souffrons parce que nous sommes séparés de ceux qu'on aime, en compagnie de ceux qu'on n'aime pas, qu'on n'a pas ce qu'on veut, et que ce qu'on a, on n'en veut pas!
Enfin, le point le plus difficile, anatta (anatman en sanscrit). On le traduit souvent par "non-soi" et c'est le plus mal compris des trois.
Parce que c'est "non-soi", on va vous dire de "détruire votre ego". Dans le style sottise abyssale, c'est difficile de faire mieux, mais, comme par hasard, ceux qui vont vous dire de "détruire votre ego" (sur un ton généralement bien suffisant) n'ont généralement pas l'impression qu'à eux-mêmes il reste du chemin à faire. D'autres vont vous dire que "rien n'existe", ce qui permet aux déistes d'affirmer que les bouddhistes ne croient en rien.
Mais c'est en fait bien plus simple; et c'est sans doute pourquoi c'est si difficile. En fait, dire "rien n'existe" est une phrase tronquée. Rien n'existe qui soit séparé de son contexte. Autrement dit, il y a toujours un contexte, et l'individu, l'objet ou le sentiment en sont inséparables.
Ces trois bases sont ce qui nous permet de comprendre, et le pourquoi, et le mode de fonctionnement de la "compassion". Le Dalaï Lama, entre autres, dit qu'il faut être intelligemment égoïste. Car lorsqu'on prend conscience du concept environnemental qu'implique l'idée de non-soi (c'est-à-dire de "non-tout-seul-au-monde"), tout prend une coloration différente. On fait attention à son environnement pour ne pas avoir à vivre dans un contexte déplorable (on dit dans le Sud-Ouest, "si on cague partout, il ne faut pas s'étonner de marcher dans la m..."), on se met à désirer le bonheur de ceux qui nous entourent, pour, par exemple, que telle personne insupportable, du fait qu'elle aille mieux, puisse enfin nous lâcher la grappe!
La conclusion, lorsqu'on tient correctement compte de ces trois, c'est que, sachant l'impermanence de toute chose, on cesse de s'y attacher. Ce qui ne veut pas dire qu'on jette tout! Mais que, si on casse ou perd quelque chose, on n'en soit pas ou peu touché.
mercredi 28 août 2019
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