mardi 13 mars 2007

Méditation ou contemplation?

Ce matin je me faisais une fois de plus la remarque que le mot "méditation" est bien mal choisi pour parler de zazen.

En effet, dans l'optique dogenienne, cela n'est pas possible. Il faut pour cela nous rétérer à notre propre culture. Les deux existaient déjà dans le christianisme. "Méditation" désigne une pratique où l'on se pose quelque part, généralement dans un endroit tranquille et propice à l'exercice, pour ruminer un problème quelconque, une pensée, une situation. "Contemplation" désigne une activité où l'on ne fait rien, sinon contempler quelque chose.Lorsque, par exemple, on contemple un coucher de soleil, on est assis là, sans rien faire d'autre que de regarder le soleil se coucher. On ne s'exclame pas, on ne discute pas, on ne réfléchit pas, on se contente d'être là et de profiter du spectacle. La même chose s'il s'agit d'une jolie personne, d'un paysage sublime ou d'un rapace en plein vol. Et donc, la même chose aussi s'il s'agit de la divinité, ou d'un mur blanc devant soi.

Dans ces conditions, "méditation" ne pourrait s'appliquer au zen que dans le cadre de la pratique rinzaï, où l'on "médite" un kôan, thème en apparence absurde dont il faut arriver à décoder le sens. De toute façon, il suffit de se procurer le bouquin: toutes les réponses y sont consignées. Certes, c'est un livre secret, et il ne doit pas être facile à dégoter, mais il suffit de savoir qu'il existe.

La pratique enseignée par maître Dôgen est autre. On ne doit pas ruminer quoi que ce soit. On n'a pas à se préoccuper du chaud ni du froid, du bon ni du mauvais, de l'hiver ou de l'été, de la sécheresse ou des inondations. On contemple le mur face à soi, et ça suffit. Et on le fait sans en attendre quoi que ce soit. Certes, il est possible qu'un jour, quelque chose se produise. Mais si on l'attend, ça ne se produira jamais. Ma grand-mère disait toujours, selon ma mère (car la mémé est morte à 53 ans alors que je n'en avais moi-même que 3...) "A watched pot never boils". C-à-d que si on reste à côté de la casserolle, on a l'impression que l'eau ne bout jamais.

L'intérêt de ne rien attendre d'une pratique, c'est qu'on risque bien moins de se décourager. Prenons -comme par hasard- mon cas personnel. Je me suis mis à la pratique de zazen assez tardivement, quoique j'aie très tôt éprouvé une fascination pour la posture du lotus. Et là, je parle de mon adolescence. Mais comme je n'ai jamais rien fait pour assurer une certaine souplesse à mes membres, handicapé que j'étais, en plus, par une grande rigidité mentale, j'ai eu du mal lorsque je m'y suis mis.

Pour moi, dans ces conditions, le fait de n'avoir aucun espoir d'y arriver à été d'une grande aide pour pratiquer mes exercices d'assouplissement. (voir http://zenmontpellier.site.voila.fr/fr/lotus/intro_lotus.html)
N'espérant pas grand chose de ces exercices, mais sachant que ce serait pire si je ne les faisais pas, j'ai pu graduellement arriver à une souplesse supérieure à celle qui était mienne à 30 ans, alors que j'approche de la soixantaine!

Donc, même si ce n'est pas moi tout seul qui transformera le vocabulaire, je le signale ici: le mot "contemplation" serait plus approprié pour parler de zazen, dans le cadre de l'école soto, que quelqu'autre terme que ce soit.