Ce matin, j'entendais l'excellent Dominique Trottignon, directeur de l'Université Bouddhique Européenne, faire la distinction entre la voie du bhikkhu et celle du bodhisattva, en disant que le premier s'attelait à reproduire la vie du Bouddha après son éveil et, pour le second, avant son éveil. Et donc que le bhikkhu s'attachait à éviter tout ce qui pourrait entraver son éveil, alors que le bodhisattva s'attachait à recréer tout ce qui pourrait le favoriser.
Certes, une telle vision est schématique, et je serais surpris que D. Trottignon pense réellement différemment de moi, mais il me semble bien que les deux soient nécessaires. Le Bouddha dit (et c'est vrai) qu'il a progressé seul sur sa voie. Mais il a eu une vie civile, avant, voire des vies antérieures qu'il mentionne, et au cours de cette vie antérieure à son éveil, il a suivi les enseignements de plusieurs maîtres avant de s'en détacher. Mais il est évident que ces enseignements lui ont servi, fut-ce a contrario.
Nous progressons tous seuls. Personne ne peut faire le trajet à notre place. Personne ne peut nous enseigner quoi que ce soit. La plupart des gens sont de toute façon sourds à tout conseil. J'ai choisi pour maître (entendez "enseignant") un vieux monsieur qui habite à des milliers de kilomètres de chez moi. Il est évident que son enseignement risquerait d'être assez succint en ce qui a trait aux choses quotidiennes. Mais j'ai résolu de tendre tous mes efforts afin que toutes les personnes et toutes les choses que je rencontre me soient un maître.
Lorsque j'ai rédigé la biographie de Scott Ross, un de ses anciens élèves m'a dit: "C'était un très mauvais maître, mais moi, j'étais un excellent élève". En fait, il vaut mieux être un bon élève, même avec un mauvais maître, que le contraire. Certes, un bon maître et un bon élève, c'est idéal. Mais même avec un bon maître, une absence (physique ou autre) pourra entraîner un manque.
Dans les métiers traditionnels, les maîtres d'apprentissage enseignent par l'exemple à leurs apprentis. Mais dans tout métier, il y a des techniques qui servent souvent, et d'autres qui servent rarement. L'apprenti apprendra celles qui servent souvent, et risquera de ne pas connaître les plus rares. S'il n'a pas développé la capacité d'extrapoler, de "réinventer", son bagage technique s'appauvrira et il ne transmettra à son tour qu'un métier appauvri. C'est ainsi que, souvent, les avancées techniques sont le fait de réinventions, de pratiquants imaginatifs qui savent réinventer, parfois à partir d'un vague souvenir, les techniques qui leur sont nécessaires.
Cette forme de l'apprentissage est à méditer. Seul le pratiquant peut apprendre. Un enseignant ne peut que lui mettre ce qu'il sait à disposition, et à lui d'en faire ce qu'il voudra, ou pourra.
dimanche 23 mars 2008
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1 commentaire:
Je crois qu'on dit quelque part (proverbe japonais ?) que le plus important, c'est l'enseignement qu'on a réussi à voler à son maître.
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