Je vous mets ici la traduction du dernier post de maître Nishijima. C'est au sujet d'un concept anglophone assez difficile à rendre en français, "mindfulness", qui signifie "prêter attention", "être attentif", "être soigneux", "se souvenir de". Il est souvent employé dans certaines branches du Bouddhisme. Mais voici ce qu'en pense Nishijima:
http://gudoblog-e.blogspot.com/
Samedi 24 mai 2008
Sur l'attention
Chers membres du Dogen Sangha International et des groupes Dogen Sangha!
Ce matin, j'ai reçu une très importante question sur l'attention ("Mindfulness") de la part du Vén. Hanrei Banzan, d'Irlande, et je lui ai déjà répondu sur le Blogue, mais je pense qu'il s'agit d'un sujet très important pour le Bouddhisme. En effet, de nombreuses personnes qui ne comprennent pas le Bouddhisme dans son sens véritable croient cette idée d'"attention" très importante pour comprendre le Bouddhisme. Je crois au contraire que cette interprétation est porteuse de dangereux contresens. C'est pourquoi je pense depuis longtemps que nous, vrais bouddhistes, devons comprendre le sens véritable de "l'attention" et ne jamais croire qu'elle soit le Bouddhisme, car nous pourrions en faire une sorte de philosophie idéaliste et donc, une révérence exclusive de l'attention ne peut en aucun cas être une pensée bouddhique, mais simplement idéaliste.
C'est pourquoi j'ai envoyé cette réponse ce matin au Vén. Hanrei Banzan. Et comme je la crois très importante pour une compréhension exacte du Bouddhisme, je vous la fais aussi parvenir.
Blogger HezB said...
Cher Roshi,
En Occident, diverses sources bouddhistes nous parlent beaucoup de "mindfulness". On considère très largement que c'est une pratique bouddhique qui cherche à mener nos tâches quotidiennes avec une attention sans faille, qui pourrait être semblable à "l'unicité de concentration" développée dans certains types de méditation.
Qu'en pensez-vous?
Merci et considérations,
Hanrei.
10:32 PM, May 23, 2008
Blogger GUDO NISHIJIMA said...
Cher Ven. Hanrei San,
Merci beaucoup de me signaler ce dangereux concept de "mindfulness."
Je pense que le mot "mindfulness" signifie l'état d'esprit où on est très attentif à la fonction mentale.
Ce mot pourrait donc être en profonde relation avec la philosophie idéaliste.
Cependant, depuis quelque temps, de prétendus enseignants bouddhistes insistent sur l'importance de ce concept. Ce qui pourrait vouloir dire que le Bouddhisme est une sorte de philosophie idéaliste.
Donc, j'ai bien peur qu'il s'agirait là d'un méconception sur le Bouddhisme.
Nous ne devons jamais oublier que ce dernier n'est en rien une philosophie idéaliste, et que si quelqu'un, dans le Bouddhisme, révère la "mindfulness", il ne peut en aucun cas être bouddhiste.
Gudo Wafu Nishijima
_______________________________________________________
On reconnaît bien là le langage abrupt et sans concessions de maître Nishijima. C'est pourquoi j'y adjoins le commentaire qu'en fait Brad Warner:
"Je suis si heureux que Nishijima Roshi ait posté ceci sur l'attention. (...) J'en ai tellement marre de ce truc que c'est merveilleux de constater que quelqu'un d'autre pense pareil. Et non, nous n'en avons jamais parlé ensemble.
"J'ai dit il y a peu que je voulais détruire tout ce culte de l'attention qui se développe dans le Bouddhisme de nos jours. Comme le fait remarquer Nishijima, le mot "attention" en est venu à signifier s'enfoncer de plus en plus profondément dans notre propre tête, et ce n'est absolument pas ça, le Bouddhisme. Je pense que j'ai déjà dû me répandre là-dessus. Mais je vis dans un centre de méditation où de nombreux enseignants font leur truc. Je ne pourrais dire combien de fois je me suis retrouvé dans ma chambre à écouter quelqu'un gloser sur l'attention, et sortir, une fois que c'est fini, pour constater qu'ils ont laissé la porte déverrouillée, les fenêtres grandes ouvertes, les chaises dispersées tout partout... Mais quelle sorte de putain d'attention est-ce qu'ils étudient là?"
dimanche 25 mai 2008
jeudi 10 avril 2008
Coopération
Le XX° siècle passé a été un siècle de soubresauts. La Grande Guerre et son immonde boucherie où, comme l'écrivait Brel dans "Jaurès", (les pauvres soldats allaient) "offrir aux Champs d'Horreur leurs vingt ans qui n'avaient pu naître," "aux ordres de quelques sabreurs qui (l')exigeaient du bout des lèvres", a été le résultat paroxystique de la vieille mentalité autoritaire et pyramidale, héritée de nos lointains ancêtres animaux sociaux et toujours d'actualité chez les loups, les rats et bien d'autres. La réaction immédiate de l'après-guerre, les "années folles", a aussi été une tentative de s'affranchir de ce "même" de l'autoritarisme.
Mais la liberté ne s'improvise pas si facilement, et les mêmes savent se défendre. D'où la montée du fascisme dans les années '30. La Libération, vu les dommages de la guerre, n'a pourtant pas pu être une libération de l'autoritarisme, juste de sa forme paroxystique, le fascisme.
C'est ainsi qu'avril et mai 1968.
Mais, comme je l'observais déjà à l'époque, les autoritaires ne sont jamais loin, lorsqu'une vacance de pouvoir se déclare. Et ils savent très bien se déguiser sous le discours de la liberté. Dès 1973, avec le coup d'état du Chili, ils se sont mis à l'oeuvre à l'Ouest (alors que leurs collègues "communistes" de l'Est venaient de régler le problème tchèque dans les mêmes termes) et leur idéologie n'a cessé de s'imposer depuis jusqu'à la situation actuelle, où ce qu'on appelle "la gauche" n'a rien à proposer d'autre qu'une autre forme d'autoritarisme.
C'est sans doute pour cela qu'on les entend si peu à propos de la Chine et du Tibet.
Mais toute l'évolution de l'Humanité a été ponctuée d'un pareil parcours en accordéon. Toutes les avancées de l'Humanité se sont faite par l'entraide, la coopération, le mutualisme. Ces choses sont basées sur le don gratuit. Rien qui puisse intéresser un néo-libéral. Comment? Des gens sont prêts à saboter la liberté d'arnaquer son prochain en donnant librement ce qui pourrait être vendu? La voilà la subversion!
Le principe coopératif ne se retrouve que chez les animaux les plus évolués: grands singes, éléphants, cétacés. En tant que grands singes, nous avons poussé ce principe encore plus loin. Il permet de tempérer les effets contre-productifs d'une hiérarchie trop rigide (voir le principe du mouton de Panurge où, si le chef fait une grosse bêtise, tout le monde suit le chef). Il permet d'améliorer son propre bien-être en améliorant celui de tous. Il permet de vivre plus serein parce qu'un monde fondé sur la confiance et le don est moins stressant qu'un monde de méfiance et d'arnaque. Il y a des cultures, y-compris parmi nous, où arnaquer son meilleur ami est une espèce de sport, mais les gens qui en participent ne me frappent pas comme faisant preuve d'un très grand équilibre psychique.
Etre généreux n'est guère évident, cela nécessite même souvent un grand effort sur soi-même, du même ordre que celui qui consisterait à ne pas bouger alors qu'on est en danger de mort. Mais il nous permet de vivre mieux et plus heureux.
Mais la liberté ne s'improvise pas si facilement, et les mêmes savent se défendre. D'où la montée du fascisme dans les années '30. La Libération, vu les dommages de la guerre, n'a pourtant pas pu être une libération de l'autoritarisme, juste de sa forme paroxystique, le fascisme.
C'est ainsi qu'avril et mai 1968.
Mais, comme je l'observais déjà à l'époque, les autoritaires ne sont jamais loin, lorsqu'une vacance de pouvoir se déclare. Et ils savent très bien se déguiser sous le discours de la liberté. Dès 1973, avec le coup d'état du Chili, ils se sont mis à l'oeuvre à l'Ouest (alors que leurs collègues "communistes" de l'Est venaient de régler le problème tchèque dans les mêmes termes) et leur idéologie n'a cessé de s'imposer depuis jusqu'à la situation actuelle, où ce qu'on appelle "la gauche" n'a rien à proposer d'autre qu'une autre forme d'autoritarisme.
C'est sans doute pour cela qu'on les entend si peu à propos de la Chine et du Tibet.
Mais toute l'évolution de l'Humanité a été ponctuée d'un pareil parcours en accordéon. Toutes les avancées de l'Humanité se sont faite par l'entraide, la coopération, le mutualisme. Ces choses sont basées sur le don gratuit. Rien qui puisse intéresser un néo-libéral. Comment? Des gens sont prêts à saboter la liberté d'arnaquer son prochain en donnant librement ce qui pourrait être vendu? La voilà la subversion!
Le principe coopératif ne se retrouve que chez les animaux les plus évolués: grands singes, éléphants, cétacés. En tant que grands singes, nous avons poussé ce principe encore plus loin. Il permet de tempérer les effets contre-productifs d'une hiérarchie trop rigide (voir le principe du mouton de Panurge où, si le chef fait une grosse bêtise, tout le monde suit le chef). Il permet d'améliorer son propre bien-être en améliorant celui de tous. Il permet de vivre plus serein parce qu'un monde fondé sur la confiance et le don est moins stressant qu'un monde de méfiance et d'arnaque. Il y a des cultures, y-compris parmi nous, où arnaquer son meilleur ami est une espèce de sport, mais les gens qui en participent ne me frappent pas comme faisant preuve d'un très grand équilibre psychique.
Etre généreux n'est guère évident, cela nécessite même souvent un grand effort sur soi-même, du même ordre que celui qui consisterait à ne pas bouger alors qu'on est en danger de mort. Mais il nous permet de vivre mieux et plus heureux.
jeudi 27 mars 2008
Authenticité
En vérifiant le référencement de mon site, j'ai tapé zen et montpellier, et suis tombé sur un titre qui décrit le dojo zen de mon "oncle" Kosen, rue Bourrely à Chaptal, comme le "seul dojo zen authentique" de Montpellier. Il est vrai que mon autre "oncle", Yuno Who, a lui aussi, récemment, ouvert un groupe de pratique certifié AZI, à Figuerolles.
Si je les appelle "mes oncles", soit dit entre parenthèses, c'est qu'ils ont reçu la transmission de Niwa Zenji, qui lui même l'avait donnée à maître Nishijima dont je l'ai reçue. La tradition zen voulant que l'on tienne le maître transmetteur comme son ancêtre direct, Rempo Niwa serait donc ainsi mon "grand-père". Mais je sais que Kosen renie cette transmission, ne lui accordant qu'un rôle de relais pour Deshimaru. Je ne sais ce qu'en prétend Yuno Who, ce qui est sûr, c'est que ce n'est pas lui en personne qui dirige son groupe de Montpellier.
Si je voulais entrer dans cette logique perverse, je devrais moi aussi renchérir sur l'"authenticité" et affirmer que moi seul, évidemment, suis un maître zen authentique à Montpellier, ayant reçu la transmission face à face, de maître zen à maître zen, dans une transmission authentique de personnes se connaissant personnellement.
A quoi bon?
Ceux et celles qui recherchent quelqu'un pour assumer la responsabilité à leur place, quelqu'un qui pourra faire le parcours à leur place, quelqu'un qui, d'un coup de baguette magique, les transformera en quelque chose d'autre que ce qu'ils sont et qui ne les satisfait pas, bref, ceux et celles qui cherchent un "maître" dans le rapport de maître à esclave, ne venez pas me faire perdre mon temps.
Je n'accepterai que des apprentis pour qui je n'essaierai d'être qu'un maître d'apprentissage. Toute autre solution me fatiguerait.
Mxl
Si je les appelle "mes oncles", soit dit entre parenthèses, c'est qu'ils ont reçu la transmission de Niwa Zenji, qui lui même l'avait donnée à maître Nishijima dont je l'ai reçue. La tradition zen voulant que l'on tienne le maître transmetteur comme son ancêtre direct, Rempo Niwa serait donc ainsi mon "grand-père". Mais je sais que Kosen renie cette transmission, ne lui accordant qu'un rôle de relais pour Deshimaru. Je ne sais ce qu'en prétend Yuno Who, ce qui est sûr, c'est que ce n'est pas lui en personne qui dirige son groupe de Montpellier.
Si je voulais entrer dans cette logique perverse, je devrais moi aussi renchérir sur l'"authenticité" et affirmer que moi seul, évidemment, suis un maître zen authentique à Montpellier, ayant reçu la transmission face à face, de maître zen à maître zen, dans une transmission authentique de personnes se connaissant personnellement.
A quoi bon?
Ceux et celles qui recherchent quelqu'un pour assumer la responsabilité à leur place, quelqu'un qui pourra faire le parcours à leur place, quelqu'un qui, d'un coup de baguette magique, les transformera en quelque chose d'autre que ce qu'ils sont et qui ne les satisfait pas, bref, ceux et celles qui cherchent un "maître" dans le rapport de maître à esclave, ne venez pas me faire perdre mon temps.
Je n'accepterai que des apprentis pour qui je n'essaierai d'être qu'un maître d'apprentissage. Toute autre solution me fatiguerait.
Mxl
dimanche 23 mars 2008
Bodhisattva vs bhikkhu
Ce matin, j'entendais l'excellent Dominique Trottignon, directeur de l'Université Bouddhique Européenne, faire la distinction entre la voie du bhikkhu et celle du bodhisattva, en disant que le premier s'attelait à reproduire la vie du Bouddha après son éveil et, pour le second, avant son éveil. Et donc que le bhikkhu s'attachait à éviter tout ce qui pourrait entraver son éveil, alors que le bodhisattva s'attachait à recréer tout ce qui pourrait le favoriser.
Certes, une telle vision est schématique, et je serais surpris que D. Trottignon pense réellement différemment de moi, mais il me semble bien que les deux soient nécessaires. Le Bouddha dit (et c'est vrai) qu'il a progressé seul sur sa voie. Mais il a eu une vie civile, avant, voire des vies antérieures qu'il mentionne, et au cours de cette vie antérieure à son éveil, il a suivi les enseignements de plusieurs maîtres avant de s'en détacher. Mais il est évident que ces enseignements lui ont servi, fut-ce a contrario.
Nous progressons tous seuls. Personne ne peut faire le trajet à notre place. Personne ne peut nous enseigner quoi que ce soit. La plupart des gens sont de toute façon sourds à tout conseil. J'ai choisi pour maître (entendez "enseignant") un vieux monsieur qui habite à des milliers de kilomètres de chez moi. Il est évident que son enseignement risquerait d'être assez succint en ce qui a trait aux choses quotidiennes. Mais j'ai résolu de tendre tous mes efforts afin que toutes les personnes et toutes les choses que je rencontre me soient un maître.
Lorsque j'ai rédigé la biographie de Scott Ross, un de ses anciens élèves m'a dit: "C'était un très mauvais maître, mais moi, j'étais un excellent élève". En fait, il vaut mieux être un bon élève, même avec un mauvais maître, que le contraire. Certes, un bon maître et un bon élève, c'est idéal. Mais même avec un bon maître, une absence (physique ou autre) pourra entraîner un manque.
Dans les métiers traditionnels, les maîtres d'apprentissage enseignent par l'exemple à leurs apprentis. Mais dans tout métier, il y a des techniques qui servent souvent, et d'autres qui servent rarement. L'apprenti apprendra celles qui servent souvent, et risquera de ne pas connaître les plus rares. S'il n'a pas développé la capacité d'extrapoler, de "réinventer", son bagage technique s'appauvrira et il ne transmettra à son tour qu'un métier appauvri. C'est ainsi que, souvent, les avancées techniques sont le fait de réinventions, de pratiquants imaginatifs qui savent réinventer, parfois à partir d'un vague souvenir, les techniques qui leur sont nécessaires.
Cette forme de l'apprentissage est à méditer. Seul le pratiquant peut apprendre. Un enseignant ne peut que lui mettre ce qu'il sait à disposition, et à lui d'en faire ce qu'il voudra, ou pourra.
Certes, une telle vision est schématique, et je serais surpris que D. Trottignon pense réellement différemment de moi, mais il me semble bien que les deux soient nécessaires. Le Bouddha dit (et c'est vrai) qu'il a progressé seul sur sa voie. Mais il a eu une vie civile, avant, voire des vies antérieures qu'il mentionne, et au cours de cette vie antérieure à son éveil, il a suivi les enseignements de plusieurs maîtres avant de s'en détacher. Mais il est évident que ces enseignements lui ont servi, fut-ce a contrario.
Nous progressons tous seuls. Personne ne peut faire le trajet à notre place. Personne ne peut nous enseigner quoi que ce soit. La plupart des gens sont de toute façon sourds à tout conseil. J'ai choisi pour maître (entendez "enseignant") un vieux monsieur qui habite à des milliers de kilomètres de chez moi. Il est évident que son enseignement risquerait d'être assez succint en ce qui a trait aux choses quotidiennes. Mais j'ai résolu de tendre tous mes efforts afin que toutes les personnes et toutes les choses que je rencontre me soient un maître.
Lorsque j'ai rédigé la biographie de Scott Ross, un de ses anciens élèves m'a dit: "C'était un très mauvais maître, mais moi, j'étais un excellent élève". En fait, il vaut mieux être un bon élève, même avec un mauvais maître, que le contraire. Certes, un bon maître et un bon élève, c'est idéal. Mais même avec un bon maître, une absence (physique ou autre) pourra entraîner un manque.
Dans les métiers traditionnels, les maîtres d'apprentissage enseignent par l'exemple à leurs apprentis. Mais dans tout métier, il y a des techniques qui servent souvent, et d'autres qui servent rarement. L'apprenti apprendra celles qui servent souvent, et risquera de ne pas connaître les plus rares. S'il n'a pas développé la capacité d'extrapoler, de "réinventer", son bagage technique s'appauvrira et il ne transmettra à son tour qu'un métier appauvri. C'est ainsi que, souvent, les avancées techniques sont le fait de réinventions, de pratiquants imaginatifs qui savent réinventer, parfois à partir d'un vague souvenir, les techniques qui leur sont nécessaires.
Cette forme de l'apprentissage est à méditer. Seul le pratiquant peut apprendre. Un enseignant ne peut que lui mettre ce qu'il sait à disposition, et à lui d'en faire ce qu'il voudra, ou pourra.
lundi 17 mars 2008
Mal-être
"Ah! Comme la neige a neigé
Ma vitre est un jardin de givre
Ah!Comme la neige a neigé
Mais qu'est-ce que le spasme de vivre
A la douleur que j'ai, que j'ai"
Je repensais à ce poème d'Emile Nelligan, un poète québécois contemporain de Raimbaud, et qui finit enfermé à l'asile psychiatrique. Pour lui, le "spasme de vivre" n'est rien, comparé à la douleur qui le travaille intérieurement. Tous nous avons connu des moments semblables, à un moment ou l'autre. Certes, tous nous ne finissons pas à l'asile, sachant cependant que la folie est une "solution", la seule que puisse opposer la psyché à une situation apparemment sans issue.
Je lisais aussi l'autre jour, lors d'un concert auquel j'ai assisté, un texte de Paul (Saul) de Tarse, l'inventeur du Christianisme. Il y dit de ne pas regarder ce qui se passe ici-bas, mais d'avoir le regard tourné vers le ciel. Ce qui est pour moi l'exemple type de la fuite en avant, qui est l'autre option, celle que fournissent les religions monothéistes.
Alors qu'il "suffit" de transformer ce qui nous paraît si épouvantable, l'absence d'existence propre de notre "moi", en avantage. Ce trou, ce manque que nous tentons si vaillamment de combler (voir mon message précédent), tâche impossible s'il en fut, pourquoi n'apprendrions-nous pas à le voir comme une possibilité?
En effet, comme c'est le vide dans les vases qui nous permet de mettre des choses dedans (nous serions bien embêtés si nos verres et nos bouteilles étaient pleins...) ce manque, il faut le voir comme ce qui nous permet d'interagir avec le monde, au lieu que d'une limitation à combler à tout prix.
Ma vitre est un jardin de givre
Ah!Comme la neige a neigé
Mais qu'est-ce que le spasme de vivre
A la douleur que j'ai, que j'ai"
Je repensais à ce poème d'Emile Nelligan, un poète québécois contemporain de Raimbaud, et qui finit enfermé à l'asile psychiatrique. Pour lui, le "spasme de vivre" n'est rien, comparé à la douleur qui le travaille intérieurement. Tous nous avons connu des moments semblables, à un moment ou l'autre. Certes, tous nous ne finissons pas à l'asile, sachant cependant que la folie est une "solution", la seule que puisse opposer la psyché à une situation apparemment sans issue.
Je lisais aussi l'autre jour, lors d'un concert auquel j'ai assisté, un texte de Paul (Saul) de Tarse, l'inventeur du Christianisme. Il y dit de ne pas regarder ce qui se passe ici-bas, mais d'avoir le regard tourné vers le ciel. Ce qui est pour moi l'exemple type de la fuite en avant, qui est l'autre option, celle que fournissent les religions monothéistes.
Alors qu'il "suffit" de transformer ce qui nous paraît si épouvantable, l'absence d'existence propre de notre "moi", en avantage. Ce trou, ce manque que nous tentons si vaillamment de combler (voir mon message précédent), tâche impossible s'il en fut, pourquoi n'apprendrions-nous pas à le voir comme une possibilité?
En effet, comme c'est le vide dans les vases qui nous permet de mettre des choses dedans (nous serions bien embêtés si nos verres et nos bouteilles étaient pleins...) ce manque, il faut le voir comme ce qui nous permet d'interagir avec le monde, au lieu que d'une limitation à combler à tout prix.
dimanche 9 mars 2008
4 Nobles Vérités
On a l'habitude de traduire les Quatre Nobles Vérités selon le schéma suivant: "Noble Vérité de la Souffrance, Noble Vérité du Désir, Noble Vérité de la Cessation et Noble Vérité de l'Octuple Sentier". Ou bien, "Il y a la Souffrance, celle-ci est causée par le Désir; on peut mettre fin à la Souffrance en mettant fin au Désir; on y arrive grace au Noble Octuple Sentier".
Maître Nishijima trouve que cette présentation est trop pessimiste, et j'ai eu l'autre jour encore une occasion de le vérifier. Un de mes correspondants italiens, un vieux monsieur, écrivait:
"si même après toute cette pratique, il ne reste plus qu'à se rendre compte que l'Eveil, qu'ingénument je voyais, moi, comme une explosion de feux d'artifice qui te change d'un seul coup, n'est rien d'autre qu'une prise de conscience de la misérable, douloureuse, banale et vile réalité, et s'adapter pour la vivre dans une simple quoique non facile, ataraxie; où est passée la charge exaltante que j'avais vue dans le Dharma et qui m'avait incitée à le suivre?"
Ce monsieur avait donc une vision idyllique et idéaliste de l'Eveil, qui lui aurait permis de s'abstraire de ce qu'il voit la vie comme une punition.
Or, Nishijima insiste pour traduire comme suit les termes sanscrits de la formulation: Dhukkha Satya, la vérité de l'insatisfaction, qui est idéalisme. Samudaya Satya, la vérité de l'accumulation, qui est matérialisme. Nirodha Satya, la vérité de la cessation, qui est action, et Marga Satya, la vérité de la Voie, qui est réalité.
Vous remarquerez "accumulation" et non pas "désir". Pourquoi donc? Le désir, c'est la vie, et si le Bouddha avait voulu que nous cessions de vivre, il nous aurait recommandé de nous suicider, et l'aurait fait lui-même et on n'en parlerait plus. Non, il nous propose une façon de vivre qui nous permet d'éviter d'être malheureux. Mais qu'est-ce qui nous rend malheureux? Le schisme profond qu'il y a entre notre idéal, qui n'est que des connexions synaptiques dans notre cerveau, et la réalité sensible qui nous déplait tant. Ce n'est pas tant que nous "désirons" des choses: c'est que nous les accumulons. Meubles, objets, collections, argent, biens fonciers, immobiliers, terres, gloire, réputation, célébrité (très à la mode ces temps-ci), pouvoir, tout est prétexte à accumulation, comme si, en accumulant une ou plusieurs de ces choses, on assurait davantage son existence.
En déménageant, l'autre jour, j'ai dû me rendre compte que, ayant habité presque vingt ans dans le même appartement, j'avais accumulé (j'ai une grande réticence à jeter -- oh, ça pourra servir...) des quantités phénoménales de trucs inutiles, en particulier de la paperasse, mais pas seulement.
Lâcher prise, c'est aussi lâcher prise sur ces choses. Ce n'est pas que toutes ces choses soient en elles mêmes inutiles. Mais bon, on peut jeter.
Mxl
Maître Nishijima trouve que cette présentation est trop pessimiste, et j'ai eu l'autre jour encore une occasion de le vérifier. Un de mes correspondants italiens, un vieux monsieur, écrivait:
"si même après toute cette pratique, il ne reste plus qu'à se rendre compte que l'Eveil, qu'ingénument je voyais, moi, comme une explosion de feux d'artifice qui te change d'un seul coup, n'est rien d'autre qu'une prise de conscience de la misérable, douloureuse, banale et vile réalité, et s'adapter pour la vivre dans une simple quoique non facile, ataraxie; où est passée la charge exaltante que j'avais vue dans le Dharma et qui m'avait incitée à le suivre?"
Ce monsieur avait donc une vision idyllique et idéaliste de l'Eveil, qui lui aurait permis de s'abstraire de ce qu'il voit la vie comme une punition.
Or, Nishijima insiste pour traduire comme suit les termes sanscrits de la formulation: Dhukkha Satya, la vérité de l'insatisfaction, qui est idéalisme. Samudaya Satya, la vérité de l'accumulation, qui est matérialisme. Nirodha Satya, la vérité de la cessation, qui est action, et Marga Satya, la vérité de la Voie, qui est réalité.
Vous remarquerez "accumulation" et non pas "désir". Pourquoi donc? Le désir, c'est la vie, et si le Bouddha avait voulu que nous cessions de vivre, il nous aurait recommandé de nous suicider, et l'aurait fait lui-même et on n'en parlerait plus. Non, il nous propose une façon de vivre qui nous permet d'éviter d'être malheureux. Mais qu'est-ce qui nous rend malheureux? Le schisme profond qu'il y a entre notre idéal, qui n'est que des connexions synaptiques dans notre cerveau, et la réalité sensible qui nous déplait tant. Ce n'est pas tant que nous "désirons" des choses: c'est que nous les accumulons. Meubles, objets, collections, argent, biens fonciers, immobiliers, terres, gloire, réputation, célébrité (très à la mode ces temps-ci), pouvoir, tout est prétexte à accumulation, comme si, en accumulant une ou plusieurs de ces choses, on assurait davantage son existence.
En déménageant, l'autre jour, j'ai dû me rendre compte que, ayant habité presque vingt ans dans le même appartement, j'avais accumulé (j'ai une grande réticence à jeter -- oh, ça pourra servir...) des quantités phénoménales de trucs inutiles, en particulier de la paperasse, mais pas seulement.
Lâcher prise, c'est aussi lâcher prise sur ces choses. Ce n'est pas que toutes ces choses soient en elles mêmes inutiles. Mais bon, on peut jeter.
Mxl
dimanche 24 février 2008
Le monde est -il uniformément gris?
Un de mes correspondants prétend que le monde est gris. Ce qui me ramène à ce qu'écrit maître Nishijima: qu'il lui avait paru que si l'enseignement du Bouddha se limitait à dire que le monde n'est que souffrance, ce n'était pas la peine qu'il se dérange, nous avions remarqué.
Il y a peu, je faisais remarquer à un de mes élèves (en français) que le monde était une merveille, mais qu'il est aussi une infection. Le problème, c'est qu'il faut apprendre à découvrir et apprivoiser la merveille, alors que l'infection s'imposait à nous sans problème. Si nous n'apprenons pas à apprécier les moments de l'existence qui sont une merveille, nous n'aurons à notre disposition que les horreurs sans nombre qui pullulent, avec bien peu de moments de répit.
Le monde n'est gris que de façon statistique. Dans une image en noir et blanc de définition respectable, on va du blanc au noir avec d'innombrables niveaux de gris. Dans une image couleurs, on passe de l'ultra-violet à l'infra-rouge par tout l'arc-en-ciel des couleurs.
Mais il y a des cultures où il n'y a pas de mot spécifique pour différencier le bleu du vert. En gaélique, en japonais ou en chinois (et sans doute bien d'autres) il n'y a qu'un seul mot pour les désigner. Est-ce à dire que ces peuples ne voient pas la différence entre le bleu et le vert? Evidemment non. Mais pour les exprimer, ils doivent avoir recours à des artifices. Le fait de ne pas savoir les exprimer ne nous permet pas de les réduire au gris.
Le monde est beau, le monde est laid. Le monde n'est ni beau ni laid. Le monde est beau et laid tout à la fois. Il n'est également ni pas beau ni pas laid. Il est. Le reste, c'est notre appréciation qui le fait. IL serait peut être utile d'y voir.
Mxl
Il y a peu, je faisais remarquer à un de mes élèves (en français) que le monde était une merveille, mais qu'il est aussi une infection. Le problème, c'est qu'il faut apprendre à découvrir et apprivoiser la merveille, alors que l'infection s'imposait à nous sans problème. Si nous n'apprenons pas à apprécier les moments de l'existence qui sont une merveille, nous n'aurons à notre disposition que les horreurs sans nombre qui pullulent, avec bien peu de moments de répit.
Le monde n'est gris que de façon statistique. Dans une image en noir et blanc de définition respectable, on va du blanc au noir avec d'innombrables niveaux de gris. Dans une image couleurs, on passe de l'ultra-violet à l'infra-rouge par tout l'arc-en-ciel des couleurs.
Mais il y a des cultures où il n'y a pas de mot spécifique pour différencier le bleu du vert. En gaélique, en japonais ou en chinois (et sans doute bien d'autres) il n'y a qu'un seul mot pour les désigner. Est-ce à dire que ces peuples ne voient pas la différence entre le bleu et le vert? Evidemment non. Mais pour les exprimer, ils doivent avoir recours à des artifices. Le fait de ne pas savoir les exprimer ne nous permet pas de les réduire au gris.
Le monde est beau, le monde est laid. Le monde n'est ni beau ni laid. Le monde est beau et laid tout à la fois. Il n'est également ni pas beau ni pas laid. Il est. Le reste, c'est notre appréciation qui le fait. IL serait peut être utile d'y voir.
Mxl
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